Hors des sentiers battus : la photographie animalière pour protéger la biodiversité
Maximilien CHAUVEINC, étudiant en master du Programme Grande École à l’IÉSEG, a choisi de consacrer son année de césure à un projet hors des sentiers battus : la photographie animalière. Depuis l’enfance, il nourrit un intérêt profond pour la biodiversité, qu’il explore à travers ses lectures, ses voyages et désormais, l’objectif de son appareil photo. Il revient sur cette expérience d’une vie qu’il a marqué par une exposition photographique à Paris.
Maximilien, comment as-tu eu l’idée de faire cette césure dédiée à la photographie animalière ?

J’ai toujours été passionné par la biodiversité, depuis mon plus jeune âge. J’ai beaucoup lu, regardé des documentaires, fait des recherches sur le sujet. En grandissant, j’ai eu la chance de voyager, et mes voyages étaient toujours orientés vers la découverte de la nature.
Il y a une dizaine d’années, j’ai commencé la photographie animalière pour deux raisons : immortaliser ces moments et rendre ma passion pour la biodiversité plus concrète, en la partageant avec mes proches. Quand j’ai décidé de faire une césure, il était donc évident pour moi qu’elle serait consacrée à la photographie animalière, dans des zones que je rêvais de visiter.
L’idée d’une exposition m’est apparue comme la parfaite combinaison pour concrétiser mon souhait de faire une césure : un vrai projet à gérer en termes d’organisation et de gestion budgétaire, le tout en valorisant ma passion.
Comment t’y es-tu pris pour organiser cette exposition ?
Je connaissais le fondateur d’une agence de production qui avait l’habitude de monter des expositions et m’a trouvé un lieu adapté dans le 20e arrondissement de Paris.

Nous avons eu plusieurs réunions pour discuter de mon projet et de mes photos. J’ai expliqué aux équipes la thématique de fond de mon exposition, qui portait sur l’état de conservation des espèces, les menaces et les enjeux de préservation de la biodiversité dans les pays concernés.
L’exposition a duré trois jours, avec un vernissage le premier soir. Les retours ont été très positifs et m’ont beaucoup encouragé pour en organiser d’autres.
Tu avais choisi la Chine, le Népal, et le Sri Lanka, peux-tu nous expliquer pourquoi ces pays en particulier ?
Si ces trois pays sont proches géographiquement, ils abritent des biodiversités très différentes. Ce sont des pays sur lesquels je m’étais renseigné depuis plusieurs années, et je connaissais déjà certaines réserves et les espèces qu’on pouvait y observer.
Leur intérêt, c’est aussi qu’ils représentent trois exemples de préservation des espèces efficaces, à l’échelle internationale. La Chine, par exemple, est l’emblème de la protection du panda : on est passé de moins de 100 individus à environ 1 800 en deux décennies à peu près, ce qui est une réussite rare.
Au Népal, la population de tigres a presque triplé en quelques décennies. Ils protègent aussi une espèce de rhinocéros dont il reste environ 4 000 individus, dont 600 recensés dans une seule réserve. Ces réussites sont basées sur l’implication des populations locales et le tourisme. Ce sont ces problématiques que je voulais explorer sur place.
Quels enseignements en as-tu tiré ?
Un aspect m’a particulièrement marqué au Sri Lanka, et encore plus au Népal : la complexité de la gestion des réserves naturelles pour les populations locales. Dans ces zones, les animaux sont intouchables et circulent librement, sans clôtures, et cela entraîne beaucoup d’accidents. Les personnes vivant à proximité doivent faire avec.

Un jeune Népalais m’a dit une phrase simple mais marquante : “Eux, ils peuvent nous tuer, mais nous, on ne peut pas les tuer.” Du point de vue occidental, on pense surtout à protéger des espèces animales menacées à tout prix, mais il y a aussi une responsabilité qui vient avec cela : les conséquences directes sur la vie des habitants sur place.
D’autre part, concernant la préservation des espèces, le facteur clé est l’implication des populations locales, du gouvernement aux villages. Les décisions politiques, comme la construction d’infrastructures à certains endroits, peuvent avoir un impact énorme sur la biodiversité. A plus petite échelle, certaines communautés vivant proche de la nature, doivent déplacer ou renoncer à leurs activités pratiquées depuis des générations. Il faut donc redoubler d’inventivité pour créer un équilibre et concilier protection de la biodiversité et conditions de vie viables pour ces populations.
Y’a-t-il une rencontre animalière qui t’a particulièrement marqué ?
J’ai vécu plusieurs moments très forts, mais un en particulier me vient à l’esprit. J’ai passé dix jours dans une réserve au Népal, où l’on se déplaçait à pied, au cœur du territoire de grands prédateurs et d’animaux comme les rhinocéros, éléphants, tigres ou léopards.

Le neuvième jour, alors que nous cherchions le tigre, il est apparu… à une trentaine de mètres de nous, juste avant que nous rebroussions chemin pour quitter la réserve. Nous nous sommes observés pendant une vingtaine de minutes… C’était un énorme mâle, environ 230 kilos, la représentation parfaite du roi de la jungle. Ce fut l’un des moments les plus intenses de ma vie. J’ai pris quelques photos, et ensuite j’ai surtout choisi de l’observer aux jumelles pour profiter pleinement du moment.
Il y a eu aussi d’autres moments où j’ai eu peur, notamment avec les rhinocéros. Dans chaque réserve, j’étais accompagné par des guides, parfois armés seulement d’un bâton. Leur calme et leur connaissance des animaux sont impressionnants. Ils nous expliquaient comment réagir en fonction de l’animal rencontré. Avec les rhinocéros, par exemple, il fallait grimper dans un arbre ! Plusieurs fois, nous nous sommes retrouvés perchés à cinq ou six mètres de haut, avec un rhinocéros en bas. Une fois, nous avons entendu un rhinocéros très nerveux, à une dizaine de mètres de nous. Il a commencé à s’agiter, puis a disparu dans les herbes de trois mètres de haut. On ne savait pas où il allait…. par précaution, nous sommes vite montés dans les arbres.
Ces moments donnent de vraies montées d’adrénaline mais c’est aussi ce que je recherche : le rapport direct avec l’animal, sans barrière, avec tout le respect et le danger que cela peut impliquer. À pied, on est vraiment à égalité avec l’animal, contrairement aux safaris en Jeep. Bien sûr, ça reste dangereux, mais je faisais confiance aux guides.
A quoi ressemblait une journée type en réserve ?

Chaque pays a sa législation : parfois on dormait dans la réserve, parfois aux abords. Certains pays autorisent la marche ou les safaris de nuit, d’autres non. Les journées commençaient très tôt, en même temps que le soleil, car c’est le moment où la plupart des animaux sont encore actifs. Les journées duraient environ 10 heures, car le soleil se couchait tôt, nous étions en saison froide. Pendant la journée, on marche dans la réserve et on fait aussi des affûts, sur des spots connus des guides.
Il y avait donc parfois deux à trois heures d’affût, une ou deux fois par jour. En fin de journée, on rejoignait l’endroit où dormir : tentes, lodges ou cabanes. Le soir, je passais du temps avec les guides, les locaux, ou parfois d’autres voyageurs. On échangeait sur leur métier, leurs expériences, les enjeux de conservation… C’était un mélange de curiosité personnelle et de récolte d’informations pour mon exposition.
Comment, selon toi, la photographie peut-elle contribuer à la conservation de la biodiversité ?
La photo a un rôle essentiel dans la sensibilisation, surtout dans les pays développés. Elle montre la beauté, mais aussi la fragilité de la biodiversité. Elle peut également choquer : déforestation, braconnage, déchets… J’essaie de capturer ces réalités aussi, pas seulement les animaux.
Je pense que photographie a une force émotionnelle que les textes n’ont pas, elle rend les choses accessibles, parlantes et parfois criantes. Aujourd’hui, surtout à l’ère des réseaux sociaux, l’image prime sur le texte.