[Faculty in the Spotlight] Guillaume Mercier, Professeur d’éthique et de stratégie
Ce mois-ci, rencontre avec Guillaume MERCIER, professeur d’éthique et de stratégie, sur le campus de Lille, depuis 2016.
Chaque année, plus de 600 professeurs-chercheurs des campus de Lille et Paris-La Défense de l’IÉSEG contribuent aux parcours d’apprentissage des étudiants, renforçant leurs chances d’atteindre leurs objectifs professionnels et de s’épanouir dans leur carrière.
« Faculty in the Spotlight » est le rendez-vous mensuel qui met en lumière les professeurs de l’IÉSEG : leur parcours, leurs cours, leur engagement à l’IÉSEG, des anecdotes amusantes etc…
Pouvez-vous revenir sur votre parcours avant d’arriver à l’IÉSEG ?
J’ai obtenu un Master en Management, et un autre en Sciences Politiques. Après mes études, j’ai eu deux expériences organisationnelles très différentes : en tant que moine, pendant trois ans, puis comme consultant en stratégie, pendant trois ans aussi. Bien que ces deux expériences soient presque opposées, elles ont été toutes deux très riches humainement et ont nourri ma réflexion académique.
Je me suis ensuite lancé dans un Doctorat en « Management Sciences & Business Ethics », j’ai réalisé ma thèse sur la bienveillance et j’ai enseigné mes premiers cours. J’ai utilisé mes deux expériences passées – la vie monastique et le conseil en stratégie – comme terrains de recherche. J’y ai observé à quel point la pratique de la bienveillance pouvait être différente dans ses fondements, selon les contextes organisationnels.
Ces années m’ont permis de me rendre compte de ce qui me motivait vraiment : comprendre et transmettre. C’est d’ailleurs le fil rouge que je retrouve dans mes deux expériences – la vie religieuse, où l’on cherche à comprendre et partager des vérités spirituelles et humaines, et le conseil, où l’on aide à comprendre pour diriger vers les meilleures décisions. Ce sont d’ailleurs ces deux axes – comprendre et transmettre – selon moi, qui sont au cœur de ma vie de professeur.
Pourquoi avoir choisi de rejoindre l’IÉSEG ?
J’ai rejoint l’IÉSEG en 2016. À l’époque, je cherchais un poste qui me permettrait de vivre un équilibre de vie cohérent avec mes valeurs. En discutant avec une collègue qui y travaillait à l’époque, puis avec les professeurs que j’ai rencontrés, j’ai senti que c’était un environnement qui me correspondait et dans lequel je serais à l’aise.
J’ai été très attiré par cette combinaison entre ambition et humanité. L’IÉSEG est une école ambitieuse, mais sans excès, elle permet un épanouissement et une réussite professionnels en laissant sa place à l’humain et à la vie personnelle.
Quels sont vos domaines d’enseignement et de recherche ?
J’enseigne la stratégie et l’éthique, deux domaines rattachés au même département, Management and Society. Le sujet de l’éthique prolonge mes réflexions existentielles et philosophiques. J’ai beaucoup travaillé la philosophie, notamment pendant ma vie religieuse, et elle continue à nourrir ma réflexion aujourd’hui et à alimenter mes cours.
Côté stratégie, c’est mon expérience de consultant qui me sert de base. C’est une matière que j’aime enseigner parce qu’elle met les étudiants en position de décideurs : pendant trois heures, ils deviennent Steve Jobs, Jeff Bezos… et se demandent s’ils doivent racheter une entreprise, fusionner ou entrer sur un nouveau marché. C’est très stimulant pour eux de se mettre en situation réelle !
Coté recherche, je me concentre sur le sujet de l’éthique, notamment en étudiant la bienveillance dans des organisations, chez les leaders et dans les relations de pouvoir. Je m’intéresse aussi à la coopération entre les humains et les systèmes d’intelligence artificielle.
Vous enseignez l’éthique. Comment abordez-vous ce sujet avec vos étudiants ?
J’enseigne notamment le cours d’éthique d’entreprise de 3ᵉ année du Programme Grande École. C’est un cours de tronc commun, obligatoire, et je le trouve essentiel. Je ne crois pas que beaucoup d’écoles de commerce en France proposent un enseignement obligatoire d’éthique, et c’est aussi une des raisons pour lesquelles j’ai rejoint l’IÉSEG.
Dans ce cours, j’offre aux étudiants la possibilité de se poser de vraies questions, des questions que l’entreprise ne leur posera jamais, comme celle de l’intégrité ou du sens de leur vie professionnelle. En seize heures de cours, on ne change pas une vie entière… Mais parfois, une graine est semée : un exemple, un cas, une phrase peut revenir à l’esprit plus tard, au moment d’un choix difficile.
Je leur dis souvent : “Une vie professionnelle réussie n’est pas nécessairement une vie réussie.”
Ce cours vise à les aider à réfléchir à la cohérence entre leurs valeurs et leurs choix professionnels, à devenir des professionnels intègres, cohérents avec eux-mêmes. C’est ambitieux, bien sûr, mais c’est justement l’ambition de ce cours : les aider à réussir leur vie professionnelle.
Qu’en est-il des cours de stratégie ?
Aujourd’hui, j’enseigne la stratégie dans le cadre du Master in International Business, donc à un public postgraduate très international. C’est un cours assez long, d’environ 40 heures. Ce que j’apprécie particulièrement dans ce cours, c’est la qualité et la richesse des échanges.
Les participants ont généralement une première expérience professionnelle, parfois significative : certains ont travaillé plusieurs années, d’autres ont créé leur entreprise, d’autres encore arrivent avec une vision plus claire de ce que représente la stratégie dans la réalité des organisations. Cela permet des discussions plus poussées en cours. Les étudiants partent souvent de leur propre vécu, de cas concrets, de leurs ambitions ou de leurs dilemmes stratégiques. Ce ne sont pas des théories abstraites pour eux : ce sont des questions qu’ils rencontrent dans leur quotidien professionnel.
La stratégie, c’est une autre facette de la question de l’éthique : comment prendre de bonnes décisions, de manière juste et responsable ?
Quelles sont vos méthodes d’enseignement ?
J’aime beaucoup les mises en situation. L’éthique peut paraître abstraite pour des étudiants encore jeunes, donc les mettre dans la peau d’un employé ou d’un manager leur permet de se confronter à des dilemmes concrets, par exemple : comment réagirais-je si mon patron me demandait de mentir à un client ?
Cela leur permet de “répéter” – comme un acteur répète avant une pièce – les situations qu’ils rencontreront probablement à un moment donné dans leur vie professionnelle. Quand elles se présenteront réellement, ils auront déjà réfléchi, pris du recul, et sauront peut-être mieux agir.
Il y a un autre exercice que j’aime leur faire faire aussi, en cours d’éthique : il s’agit d’une simulation de vie professionnelle en 40 minutes, avec des décisions à prendre, grandes et petites, tout au long d’une carrière fictive. À la fin, on fait le bilan : quels choix ont mené à une vie cohérente, équilibrée, et lesquels ont dévié les étudiants du chemin qu’ils souhaitaient suivre ? C’est une manière ludique mais profonde d’aborder les grandes questions : quelle vie je veux mener ? Qu’est-ce qu’une vie réussie pour moi ?
J’invite parfois aussi des professionnels de l’éthique en entreprise à venir en classe. Ensemble, nous construisons des cas réels, par exemple sur la question : faut-il rester dans un pays après un coup d’État ? Ces témoignages concrets montrent aux étudiants que l’éthique fait pleinement partie de la vie professionnelle – ce n’est pas un luxe moral, c’est une question quotidienne et organisationnelle.
Je parle moins directement des philosophes qu’avant en cours, mais je les fais vivre à travers les discussions et analyses de cas.
Que représente pour vous la Vision de l’IÉSEG : “Empowering Changemakers for a Better Society” ?
Elle me parle beaucoup, parce qu’elle s’aligne avec ma vision de l’enseignement. Former des changemakers, ce n’est pas seulement apprendre à transformer les organisations, mais aussi à se transformer soi-même. Mes cours visent à cette transformation intérieure : permettre à chacun de se connaître, de comprendre ce qu’il veut apporter au monde, et de trouver la cohérence entre ses valeurs et ses actions.
Changer la société commence par changer son regard sur la vie, et sur sa propre vie. Et si mes étudiants ont pu, pendant mes cours, avancer un peu dans cette réflexion, alors c’est déjà beaucoup !