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Le métier de Senior Cost Manager, par Cécile Fourquemin, diplômée de l’IÉSEG

Diplômée du Programme Grande École de l’IÉSEG, Cécile FOURQUEMIN exerce depuis près de dix ans un métier dans le secteur du Project/Program Cost Management. Aujourd’hui, elle est Senior Cost Manager. Entre suivi budgétaire, anticipation des risques et esprit critique, elle accompagne des projets d’envergure. Elle nous raconte son quotidien chez AstraZeneca à Dunkerque.

Pouvez-vous nous présenter votre métier ?

Mon poste actuel est Senior Cost Manager. Il s’agit de gérer toute la partie des dépenses budgétaires et financières, sur des projets d’investissement (Capital Expenditure – CAPEX). Aujourd’hui, par exemple, je travaille sur un projet d’extension d’un site de production côté client (AstraZeneca) à Dunkerque, qui fabrique des inhalateurs pour asthmatiques. C’est un projet de travaux neuf d’agrandissement pour accueillir de nouvelles lignes de production, magasin de stockage grande hauteur et entièrement automatisé, ainsi qu’une zone logistique.

Ma fonction de Senior Cost Manager est transverse : je suis autant en interaction avec les ingénieurs que les directeurs de projet et de programme. Sur les gros projets, chacun a son rôle, et toutes les fonctions travaillent ensemble pour atteindre le même objectif.

Et concrètement, en quoi cela consiste-t-il ?

Mon rôle est de m’assurer que le budget initial d’un projet n’est pas dépassé, et de piloter les dépenses quotidiennes sur plusieurs années. Pour certains projets, on nous demande aussi d’établir le budget initial, Concrètement, je pilote les coûts et surtout j’alerte dès que j’identifie un risque de dépassement. C’est ce qu’on appelle piloter le coût à terminaison.

Pour vous donner un exemple simple : si, sur un projet, on me dit qu’on veut ajouter trois portes dans une pièce alors que ce n’était pas prévu, cela va coûter plus d’argent. Parfois, il faut que je discute avec le chef de projet pour voir si cette dépense est nécessaire. C’est mon rôle de challenger les demandes de changements de scope pour limiter les dépenses additionnelles.  Il est essentiel de garder un esprit critique pour garantir que les ressources financières soient utilisées intelligemment.

Dans quels secteurs peut-on exercer ce métier et sur quels types de projets ?

C’est un métier qui peut s’exercer dans toutes les industries et dans le monde entier, pourvus que la taille du projet ou programme nécessite une ou des ressources dédiées. Quelques exemples sont l’industrie pharmaceutique, la Défense l’IT, l’immobilier (immeubles de bureaux, hôtels …), les infrastructures (ponts, métros, autoroutes…).

Mon travail s’applique à tous types de projets, mais personnellement, j’adore ce qu’on appelle les « méga-projets », supérieurs à un milliard d’euros de budget. Leurs   taille impose une structure de gestion plus robuste, la complexité des activités comme les négociations contractuelles/juridiques, la mise ne place de reporting, la gestion des exigences clients offrent une autre dimension aux activités de cost management.

Comment vos missions ont évolué depuis votre prise de poste il y a presque dix ans ?

 Après bientôt dix ans à exercer ce métier, mon périmètre d’action s’est élargi. Aujourd’hui, j’ai une approche plus contractuelle de mon rôle. Je consulte mes pairs pour confronter les points de vue plus que de recevoir des directives, je forme également les juniors.

Au départ, mon travail se limitait à suivre un budget, contrôler les dépenses et alerter mon manager. Avec l’expérience, on acquiert une vision plus large et une expertise qui permet d’être impliqué dans des sujets connexes, car le rôle est transverse. On peut ainsi aider d’autres  fonctions en apportant une autre vision. Pour résumer : notre rôle est de suivre, évaluer, négocier et challenger.

Quelle est votre journée ou semaine type ?

Il n’y a pas vraiment de journée ou de semaine type, mais plutôt des « mois types ». Chaque mois, il y a d’abord la clôture mensuelle des comptes. On s’assure que les dépenses enregistrées dans le système de gestion correspondent à la réalité des activités effectuées sur le projet. Cette partie est un peu financière et comptable. Ensuite, on fait le reporting mensuel. Sur mon projet actuel (environ 100 millions d’euros), cela prend 1 à 2 jours. Sur des projets plus gros, ça peut prendre une dizaine de jours.

Le reporting consiste à expliquer les variations de coûts : pourquoi on a dépensé plus ou moins que prévu, si une activité est en retard, si un contrat n’a pas été signé à temps, etc. Il faut toujours donner une vision claire de la situation actuelle et anticiper d’éventuels dépassements. Dès qu’on reçoit une nouvelle information, on réajuste les prévisions de coûts. Si une activité est décalée, on met à jour les dépenses et on redonne une vision financière à notre chef de projet. On doit être capables, à tout moment, de répondre à la question : “où en est-on ?” Cela implique un suivi en continu.

Comment êtes-vous devenue Senior Cost Manager ?

Je suis sortie de l’IÉSEG et j’ai eu la chance de faire mon stage de fin d’études sur le site de production AstraZeneca à Dunkerque où je travaille à nouveau aujourd’hui. J’y ai fait six mois de stage qui m’ont permis de découvrir ce métier, dont je n’avais jamais entendu parler. Je suis tombée dedans par hasard… mais j’ai adoré et je ne l’ai jamais quitté !

Ce métier, ne demande pas un bagage très poussé en finance ou en comptabilité. Il faut des notions, oui, mais le cœur du travail, c’est la gestion de coûts et de projets. En revanche, il faut savoir coordonner, négocier, travailler en équipe, gérer les ressources, parfois faire de la médiation… Ce sont beaucoup de compétences que l’on développe à l’IÉSEG justement.

Quels sont les défis majeurs de votre métier ?

Je dirais que le principal défi, c’est la capacité à challenger les personnes avec qui on travaille. Ce n’est pas forcément simple lorsque nous n’avons pas de connaissances en ingénierie. Il faut avoir la curiosité de chercher à comprendre les sujets et les personnes avec lesquelles on travaille, afin d’entretenir des relations et communications constructives malgré les différences d’opinion ou d’objectifs de chacune des fonctions d’un projet.

Il y a quelques années, j’aurais cru sur parole un collègue qui me disait qu’un changement n’allait rien coûter. Aujourd’hui, avec l’expérience, j’ai appris à poser les bonnes questions. Cela s’acquiert avec le temps !