[Faculty in the Spotlight] Yulia TITOVA, professeure de Finance
Ce mois-ci, rencontre avec Yulia TITOVA, professeure de Finance sur le campus de Paris depuis 2013.
L’une des forces de l’IÉSEG est l’excellence de son corps professoral international. Plus de 600 professeurs-chercheurs, sur les campus de Lille et de Paris-La Défense, contribuent aux parcours d’apprentissage des étudiants, améliorant leurs chances d’atteindre leurs objectifs professionnels et de s’épanouir dans leur carrière. Mais qui sont ces professeurs ?
« Faculty in the Spotlight », c’est le rendez-vous mensuel qui propose d’en apprendre davantage sur les professeurs de l’IÉSEG : leur parcours, ce qu’ils enseignent, pourquoi ils ont rejoint l’École, des anecdotes amusantes…
Yulia, pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours ?
Je suis originaire de Russie. J’ai deux diplômes de Master, en Économie et en Finance — l’un de la Higher School of Economics à Moscou, et le second de l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Lorsque j’étais étudiante, j’ai découvert que mon université à Moscou avait un programme d’échange avec Paris 1, ce qui m’a permis de passer la deuxième année de mes études de Master à Paris.
Cette expérience en France, en tant qu’étudiante en Master de Finance, m’a encouragée à rester et à poursuivre un doctorat en Économie, que j’ai terminé en 2013. Ma recherche doctorale s’est concentrée sur les risques dans le secteur bancaire européen, en particulier le rôle des produits dérivés et de la réglementation. Alors que j’écrivais mon mémoire de Master à Paris, mon directeur académique m’a encouragée à approfondir le sujet avec un doctorat.
Avant de me lancer dans une carrière académique, j’ai également acquis une expérience terrain dans l’industrie financière. J’ai travaillé en tant qu’assistante de reporting chez KPMG à Moscou, j’ai été stagiaire en fusions et acquisitions chez J.P. Morgan à Londres, et plus tard, pendant mon doctorat, stagiaire en analyse fondamentale chez Exane Derivatives à Paris. Ces rôles m’ont permis une ouverture internationale dans des contextes à la fois académiques et professionnels.
J’ai rejoint l’IÉSEG en 2013 — cela fait donc plus de dix ans maintenant. Avant cela, j’avais une expérience d’enseignement à l’European Business School et à Sciences Po Paris. Actuellement, je suis la Directrice Académique du Master in Finance et j’ai précédemment coordonné la majeure Finance dans le Programme Grande École. En plus de mes diplômes académiques, j’ai obtenu plusieurs certifications professionnelles : Chartered Financial Analyst (CFA), Certificat en Investissement ESG, et Certificat en Risques de Durabilité et Climat.
Pourquoi avez-vous voulu devenir professeure ?
Je pense que j’ai toujours aimé expliquer les choses et aider les autres à apprendre. Même enfant, après mes premiers jours à l’école, je rentrais à la maison et “j’enseignais” à mes poupées ce que j’avais appris. Cette habitude m’est restée— expliquer les choses m’aidait aussi à mieux les comprendre. Plus tard, vers l’âge de 15 ans, j’ai donné des cours particuliers à des enfants, en anglais et en mathématiques. J’adorais voir le moment où quelque chose devenait clair pour eux. Ce sentiment de progrès et de connexion est vraiment gratifiant. J’ai commencé à enseigner très tôt, et pendant mon doctorat, j’ai été assistante d’enseignement et de recherche. Transmettre des connaissances et rendre les idées complexes accessibles a été une grande motivation pour devenir professeure.
Pourriez-vous nous en dire plus sur votre domaine d’expertise ?
Mon expertise se situe principalement dans le domaine de la finance d’entreprise. J’aime surtout l’analyse financière — essayer de comprendre la situation globale d’une entreprise en examinant ses chiffres et en estimant sa valeur.
Plus récemment, mes recherches se sont concentrées sur la finance durable. J’explore comment les politiques de responsabilité sociale des entreprises (RSE) sont liées à la performance financière et à l’évaluation d’entreprise. J’étudie également comment l’industrie financière, en particulier les intermédiaires, peut aider les entreprises à développer et à mettre en œuvre des initiatives RSE — essentiellement, leur impact dans le monde réel.
La finance se situe en quelque sort à l’intersection de l’économie et de la comptabilité. L’économie peut être assez théorique et inclut des domaines comme la macroéconomie, qui étudie des éléments comme le revenu national, les taux d’intérêt, l’inflation et les systèmes monétaires ; et la microéconomie, qui examine plus comment les entreprises et les individus prennent des décisions — comme la façon dont les entreprises se concurrencent, ou comment fonctionnent l’offre et la demande. La finance emprunte beaucoup à ces concepts. Elle peut également être large, mais traditionnellement, elle a été divisée en domaines comme la finance d’entreprise — comment les entreprises prennent des décisions financières, choisissent des investissements ou lèvent des fonds — et la finance de marché, qui se concentre sur les marchés financiers et les instruments comme les actions, les obligations et les produits dérivés.
Ainsi, en finance d’entreprise, par exemple, nous nous demandons : dans quel projet une entreprise devrait-elle investir ? Doit-elle financer cet investissement par la dette ou par des fonds propres ? Doit-elle emprunter de l’argent ou émettre de nouvelles actions ? Comment doit-elle verser des dividendes aux actionnaires ? Ce sont toutes des questions clés en finance.
Quels cours enseignez-vous à l’IÉSEG ?
Actuellement, j’enseigne principalement deux cours — l’Évaluation d’Entreprise dans le Programme Grande École et à nouveau l’Évaluation d’Entreprise dans le Master in Finance, qui est notre programme de master spécialisé. J’enseigne également l’Évaluation d’Entreprise Avancée dans le Master en Finance.
À partir de l’année prochaine, j’enseignerai également un nouveau cours intitulé Éthique en Finance. Par le passé, mon portefeuille de cours était plus large. J’ai enseigné les Marchés Financiers, la Finance d’Entreprise, les Méthodes Quantitatives, etc. Mais ces dernières années, je me suis de plus en plus concentrée sur l’évaluation.
En quoi cela consiste, en quelques mots ?
Prenons une entreprise cotée en bourse — comme Renault ou Peugeot. En cours, notre objectif sera d’estimer la valeur réelle de cette entreprise. Nous apprenons aux étudiants à évaluer la valeur de l’entreprise en utilisant des modèles financiers. Le modèle le plus courant que nous utilisons est le Discounted Cash Flow (DCF). L’idée est de prévoir les futurs flux de trésorerie disponibles que l’entreprise est censée générer. Cela dépend de plusieurs facteurs — la rapidité avec laquelle l’entreprise peut croître, sa rentabilité et son niveau de risque. Une fois que nous avons fait ces prévisions, nous les actualisons pour arriver à une valeur estimée. Par exemple, disons que le prix actuel de l’action de Renault est de 47€. Les étudiants doivent déterminer si ce prix est trop élevé ou trop bas, en fonction de ce que l’entreprise est censée délivrer en termes de performance. S’ils trouvent que Renault devrait en réalité valoir plus, peut-être est-elle sous-évaluée — et vice versa.
Quelles méthodes pédagogiques utilisez-vous ?
Nos étudiants ont accès à Bloomberg, qui est une plateforme majeure de données et d’analyses financières utilisée par les professionnels de l’industrie. Lorsque j’étais étudiante, nous n’avions pas accès à cet outil. Maintenant, nos étudiants peuvent travailler avec des données financières en temps réel, ce qui rend le cours beaucoup plus engageant et concret. Cela les aide à devenir opérationnels rapidement, que ce soit pour des stages ou de futurs emplois.
Nous ne nous concentrons pas uniquement sur la théorie. La théorie est essentielle pour comprendre les fondements, mais les étudiants travaillent également sur des cas réels. Par exemple, cette année, nous avons fait une étude de cas où nous avons estimé la valeur de Costco Wholesale, le géant de la vente au détail américain.
J’invite également des analystes financiers et des banquiers d’investissement à donner de courtes présentations en classe pour mettre en évidence la pertinence des concepts que nous utilisons en classe. De nombreux anciens étudiants ont maintenant quelques années d’expérience professionnelle, certains plus de cinq ou six ans. Je leur demande donc de venir en classe et pour expliquer ce qu’ils font et comment ce qu’ils ont appris en évaluation d’entreprise s’applique à leur travail.
Quel est l’impact de la technologie sur les sujets que vous enseignez ?
Il y a quelques années, un étudiant m’a demandé si des outils d’IA comme ChatGPT remplaceraient les analystes financiers. À l’époque, je n’avais pas essayé ChatGPT moi-même, donc je ne pouvais pas donner de réponse avec certitude. Je savais que l’outil existait mais je ne l’avais pas testé sur des concepts financiers. Cette question m’a fait réfléchir à l’impact de l’IA et à notre rôle en tant que professeurs. Il y a tellement d’informations disponibles maintenant, et les étudiants peuvent se sentir perdus. Notre rôle est de les aider à gérer tout cela et à développer un esprit critique pour évaluer les résultats de l’IA et les résultats de recherche. Par exemple, en évaluation d’entreprise, j’ai demandé aux étudiants d’évaluer de manière critique l’un des articles sur le site « Investopedia ». C’est un outil similaire à Wikipédia mais axé sur les concepts financiers. C’est une source utile, mais parfois les explications ne sont pas parfaites. Par exemple, vous pouvez rechercher des ratios financiers, et bien que ce soit généralement une bonne ressource, l’un des concepts d’évaluation que nous avons discutés en classe n’était pas bien expliqué. J’ai remarqué cela et j’ai décidé de demander aux étudiants d’évaluer de manière critique ce qui est fourni plutôt que de le prendre pour argent comptant. Oui, même dans des sources populaires et réputées comme celle-ci, nous devons analyser et vérifier l’information. C’est sur cela que je me concentre. Maintenant, avec le contenu généré par l’IA, certains médias s’appuient dessus, ce qui peut amplifier la désinformation. C’est pourquoi l’éducation et l’esprit critique sont plus importants que jamais.
Avez-vous des souvenirs ou anecdotes de votre temps à l’école jusqu’à présent ?
C’est une question difficile. Je suis ici depuis 2013, donc j’ai beaucoup de souvenirs. Un moment fort a été la Learning Expedition au Rwanda avec des collègues, où nous avons exploré l’entrepreneuriat social et l’inclusion dans l’éducation.
Un autre moment fort a été le coaching de l’équipe étudiante de l’IÉSEG pour le CFA Research Challenge. En 2017, nous avons remporté la finale française, ce qui a été très gratifiant ! Et l’année dernière, nous avons célébré le 10e anniversaire du programme Master in Finance et j’ai eu l’occasion de renouer avec des diplômés qui sont devenus des professionnels et même des experts. Ce fut un moment très agréable de les revoir !