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[Histoire de Diplômée] Claire JOLIMONT, CEO de Pingflow : être une femme dans la tech

Il fallait sans doute à Claire Jolimont (diplômée du Programme Grande École en 2013) un savant mélange d’inconscience, d’audace et de détermination pour lancer avec son frère une start-up dans la Tech… pendant ses études à l’IÉSEG ! Son travail acharné, son pragmatisme, son sens des affaires et son management participatif ont ensuite fait le reste : Pingflow est aujourd’hui une véritable success-story qui a déjà convaincu des centaines de clients à travers le monde. Après dix années en tant que CEO dans un univers essentiellement masculin, Claire JOLIMONT dresse un bilan inspirant et sans langue de bois, tout en rappelant qu’on ne naît pas femme entrepreneure : on le devient.

Comment vous êtes-vous lancée dans la création d’une start-up pendant vos études à l’IÉSEG ?
Cela s’est fait par une succession de hasards. Mon frère a eu l’idée d’un produit d’affichage à destination de l’industrie alors que j’étais en 3e année. J’ai rapidement compris qu’il allait falloir le marketer et c’est ainsi que je suis entrée en jeu. Je me suis rapprochée d’EuraTechnologies, notamment pour trouver des financements : évoluer dans cet écosystème d’entrepreneurs inspirants de la tech a créé une émulation et nous a donné envie d’avancer sur le projet. À l’époque, on parlait peu d’entrepreneuriat à l’IÉSEG, encore moins de start-up.
Pour découvrir le secteur à sa source (la Silicon Valley), j’ai décidé de tenter ma chance pour intégrer un programme « Innovation & Entrepreneurship » à Stanford où je suis partie en 2012 en parallèle de ma première année de Master. J’en suis revenue avec l’envie de m’associer avec mon frère : l’aventure Pingflow était officiellement lancée !

Comment résumez-vous PingFlow à quelqu’un qui ne le connaît pas ?
Nous nous positionnons comme un éditeur d’une solution d’affichage digital en démocratisant la diffusion d’informations clés par les « wallboard » auprès des équipes terrain, avec un seul objecif : l’excellence opérationnelle. Le wallboard digital devient ainsi un moyen d’informer, de responsabiliser et de piloter les équipes en affichant les informations les plus utiles.
Nos clients sont de tous secteurs (automobile, aéronautique, chimie, etc.), en France et à l’international (USA, Belgique, Italie, Allemagne, Mexique, etc.) et notre équipe est composée pour moitié de développeurs, l’autre moitié de chef de projets. Le COVID a été un accélérateur de la digitalisation des entreprises et explique en partie notre forte progression des dernières années.

Qu’avez-vous ressenti à 22 ans en entrant dans l’univers de la tech ?
Je m’attendais à ce que cela ne soit pas facile, mais mes doutes ne m’ont pas paralysée : ils ont joué le rôle de moteur. Pour être incollable, j’ai travaillé deux fois plus que quiconque les sujets sur lesquels j’étais attendue. Manquer de crédibilité ne me choquait pas puisque j’avais tout à apprendre. Lors de nos premiers rendez-vous clients, j’étais toujours accompagnée de mon frère : soit on ne s’adressait qu’à lui, soit je sentais que l’on me testait. Cela m’a appris à identifier les leviers de communication et à développer une certaine posture.

Que retenez-vous de votre expérience de management d’une équipe principalement masculine ?
Je ne manage plus ni ne me comporte de la même façon qu’il y a dix ans. J’ai appris à enlever le masque. À mes débuts, j’étais une sorte d’oignon avec différentes couches en fonction de mes interlocuteurs. J’en avais besoin pour créer mon identité et me faire respecter. Aujourd’hui, je me permets d’être moi-même. En termes de management, je suis dans le participatif, dans l’écoute, l’innovation, avec un cap et une vision claire. Mon but est de tirer tout le monde vers le haut, mais attention : je ne joue pas le rôle de la bonne copine !

Pourquoi trouve-t-on selon vous si peu de femmes dans la tech ?
De nombreux facteurs entrent en jeu : il faut des compétences techniques et les filières scientifiques attirent peu les jeunes femmes. Il y a sans doute également une forme d’auto-censure, des blocages plus ou moins profonds, le fameux syndrome de l’imposteur, mais aussi de nombreux biais issus de l’éducation ou du poids de la société. On apprend trop aux petites filles à être dans le « service » ou le support. Les écoles comme l’IÉSEG ont d’ailleurs un rôle à jouer en matière d’éducation sur le sujet : elles doivent aider à développer le leadership au féminin et présenter les opportunités des métiers mal connus/perçus en tant que femme. Des parcours comme le mien ou celui d’Agathe MONPAYS sont de bons exemples.
En d’autres termes, il faut les inciter à oser grâce à des « role models » inspirants. Cette situation est en train d’évoluer, mais trop lentement à mon goût : on voit encore trop peu de femmes aux postes de direction, à part en RH, achats, marketing, etc. Ce que j’ai appris en dix ans est qu’il ne faut pas attendre que les choses tombent du ciel : il faut parfois les provoquer…

Que pensez-vous du fameux « plafond de verre » ?
C’est un sujet intéressant : même si l’on ne peut nier son existence, je pense qu’il s’agit avant tout de nos propres limites et je le vis personnellement au quotidien. C’est la raison pour laquelle je m’intéresse beaucoup au développement personnel pour continuer à travailler certains aspects. Pendant dix ans, je me suis concentrée sur mon expertise pour être crédible. Aujourd’hui, je compte développer davantage ma posture, « le soi », le « pourquoi du comment » ce que je fais. J’entre à un âge où je commence à réfléchir davantage à l’équilibre vie perso/pro et je ne veux pas avoir de regrets à 50 ans…
Avant le COVID, j’étais prise à 100% par mon travail ou mes nombreux engagements. Les confinements m’ont permis de prendre une pause et du recul, puis d’apprendre à dire non à certaines sollicitations. Autrefois, j’avais peur de rater quelque chose, désormais je me sens plus alignée, je me suis fixée des limites, mais je continue à me rendre utile à travers un réseau solide et à répondre présente à toutes les causes qui me tiennent à coeur. C’est très féminin ! Après dix années de construction et d’apprentissages, j’aspire à entrer dans une phase « vie de famille »… avec de nouveaux apprentissages !

Que conseillez-vous aux femmes qui aimeraient entreprendre comme vous à leur sortie d’école ?
Dans la mesure où le concept de carrière tel qu’on le connaissait il y a encore dix ans n’existe plus, je suis convaincue que l’on peut « slasher », changer de secteur ou de métier, voire cumuler plusieurs casquettes business/job dans une même période. Deux derniers conseils que j’aurais aimé que l’on me donne : premièrement, ce ne sera jamais « le bon moment », n’attendez pas que toutes les planètes soient alignées. Il faut avant tout s’écouter et suivre son intuition, créer et développer du lien, du réseau, oser. Enfin, même si ce n’est pas ce que votre éducation ou la société vous ont inculqué, n’ayez pas peur d’être « vous-même » pour vous sentir alignée… et évitez de vous sous-estimer !

Une femme engagée !

Diplômée de l’IÉSEG en 2013, Claire est CEO de la start-up Pingflow qu’elle a fondée pendant ses études. Très engagée, elle est aujourd’hui membre du Conseil d’Administration de la French Tech Lille (et du groupe de travail « Technifab » pour promouvoir les acteurs de la région sur l’industrie 4.0), membre du Conseil d’Administration du MEDEF Lille Métropole pour faire le lien entre économie traditionnelle et digitale, mais aussi mentor au sein de l’association « Little Big Women ».

Cet article a été rédigé par Luna Créations pour le magazine IÉS #15, le magazine de IÉSEG Network, l’association des diplômés de l’École.

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