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« Le pire, ce ne serait pas d’avoir échoué, mais de ne pas avoir osé ! » Benjamin CONSTANT, associé chez Neo-Eco et NeoCem

Diplômé de l’IÉSEG en 1996, Benjamin CONSTANT est aujourd’hui associé chez Neo-Eco et président de NeoCem, une start-up industrielle qui s’attaque à l’un des plus grands défis de notre époque : décarboner massivement le secteur de la construction grâce à du ciment bas carbone. Après une première partie de carrière dans le monde de l’entreprise, il a fait le choix de l’entrepreneuriat à impact. Parrain de la promotion IÉSEG 2023, il revient sur son parcours, ses convictions et sur l’importance d’allier sens, performance économique et engagement humain.

Benjamin CONSTANT, pourquoi avoir choisi l’entrepreneuriat à impact après une première partie de carrière réussie ?

Je pense que j’ai toujours eu cette fibre entrepreneuriale. Quand j’étais étudiant à l’IÉSEG, j’avais déjà failli arrêter mes études pour créer une start-up dans l’informatique. A l’époque, j’étais un vrai geek, et le côté organisation hommes / data m’intéressait énormément. Mais je n’étais pas encore prêt à me lancer.

L’envie d’entreprendre est revenue bien plus tard, au moment de la fameuse « crise de la quarantaine ». J’avais atteint mes objectifs de carrière, occupé des postes de direction dans de grands groupes internationaux, dans l’industrie textile et les loisirs créatifs. J’avais vécu dans dix pays (Espagne, Amérique du Sud, Suède…). La quête de sens est alors devenue prioritaire.

J’ai toujours eu une forte sensibilité environnementale : nous ne vivons pas en vase clos sur cette planète, qui paraît chaque jour plus petite. Surtout, nous devons prendre conscience que nous, habitants des sociétés occidentales développées, faisons partie des mieux lotis en termes de condition de vie… et sommes également les plus gros pollueurs. Nous avons donc une responsabilité réelle envers les autres et envers la planète.

La graine a germé, et après vingt ans à diriger des entreprises, j’avais besoin de trouver plus de sens et de contribuer professionnellement à des projets alignés avec mes aspirations profondes. Ce processus a pris du temps, il ne s’est pas fait en un jour. J’ai finalement décidé de démissionner et de chercher des projets dont je partageais le sens, les valeurs, la vision. Pendant deux ans, j’en ai accompagné une dizaine, jusqu’à ma rencontre avec Christophe DEBOFFE, qui m’a donné envie de rejoindre Neo-Eco.

Pouvez-vous nous en dire plus sur Neo-Eco et NeoCem ?

Neo-Eco est un bureau d’ingénierie en économie circulaire qui s’appuie sur une verticale majeure : la matière. Pourquoi la matière ? Parce que c’est quelque chose de tangible, mesurable, concret. À la fin d’un projet, nous pouvons objectivement calculer l’impact en tonnes de matière réemployée ou valorisée. Cela permet d’éviter le piège du greenwashing et d’aider les entreprises à réduire leur empreinte environnementale tout en améliorant leur rentabilité, bien au contraire. La vaste majorité de nos projets permettent en effet d’optimiser les ressources et donc de réduire les coûts.

L’équipe de Neo-Eco est 100 % engagée dans sa mission : déployer des solutions d’économie circulaire. Notre vision a la puissance de la simplicité : un monde sans déchets. N’a-t-on pas tous appris à l’école que « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » ? Nous sommes tous un peu les disciples de Lavoisier : nous trouvons des solutions pour passer d’une économie linéaire, consommatrice de matériaux jetables, à une économie circulaire, où la ressource est réutilisée.

Nous innovons en permanence, en nous appuyant sur de nombreux partenariats universitaires et privés pour y parvenir. C’est ce qui a permis à Neo-Eco de lancer plus de 23 start-ups. Je dirige aujourd’hui l’une d’entre elles : NeoCem, un projet qui vise à décarboner le secteur de la construction.

Chaque année, 40 milliards de tonnes de béton sont consommées dans le monde, soit 5 tonnes par être humain ! Le béton, c’est 8 % des émissions mondiales de CO₂, dont 90 % proviennent du ciment. En France, on consomme 17 millions de tonnes de ciment par an, en Europe, plus de 200 millions. Des volumes pharaoniques.

NeoCem a développé une solution innovante pour réduire ces émissions de 90 %. Elle repose sur l’utilisation d’argiles issues des creusements du BTP, que nous calcinons. Ces argiles calcinées remplacent une grande partie du ciment traditionnel. Elles offrent les mêmes performances, à un coût inférieur, tout en étant bas carbone. Nous supprimons ainsi tous les freins à la construction durable.

Nous avons lancé la R&D en 2017. Grâce au soutien de la Société du Grand Paris, dès 2018, nous avons accéléré le développement du projet. En décembre 2022, NeoCem est devenu lauréat « France 2030 », le programme de soutien du gouvernement pour aider à l’émergence de solutions industrielles vertueuses. Après avoir trouvé un site à 30 km au nord de Paris et obtenu les autorisations environnementales et les financements nécessaires, nous avons lancé la construction de la première unité de production en octobre 2023. La production démarrera en juin 2025 !

Qu’est-ce qui fait la réussite d’un projet d’entrepreneuriat à impact ?

Chaque histoire est unique. Mais il faut, avant tout, avoir profondément envie de se lancer. Le fameux adage « vouloir, c’est pouvoir » s’applique parfaitement à l’entrepreneuriat. Il faut aussi incarner des valeurs fortes, au point qu’elles deviennent le socle du projet entrepreneurial.

Ensuite, comme pour tout projet, il faut oser se lancer. Pour certains, ce sera une évidence ; pour d’autres, une révolte, un appel intérieur, ou simplement un jeu. Dans mon cas, j’ai toujours eu envie d’être entrepreneur, mais je n’ai pas osé tout de suite. J’ai longtemps hésité. J’avais besoin de me rassurer, de savoir que j’en étais capable, d’avoir une base financière suffisante pour me donner le temps d’essayer, d’échouer et de recommencer. Nous avons tous des besoins de sécurité différents.

Quand on ne sait pas par où commencer, autant rejoindre une équipe : c’est ce que j’ai fait avec Neo-Eco et Christophe, avec qui nous avons pu créer de nombreux nouveaux projets. Avant même de bien comprendre quel serait notre projet, nous nous sommes trouvés sur l’envie de faire, sur les valeurs. Ensuite, c’est l’équipe Neo-Eco, engagée et autonome, qui façonne la dynamique. Notre réussite vient avant tout d’un collectif qui partage des valeurs et une ambition forte, autour de l’économie circulaire. Cela permet une forte décentralisation des décisions. La vision long terme cohabite avec les impératifs économiques à court terme, comme dans toute entreprise.

Est-il nécessaire d’être rentable quand on est entrepreneur à impact ?

Ce n’est pas nécessaire, c’est juste essentiel. Sans performance économique, il ne peut pas y avoir d’impact. Il y a une corrélation extrême entre ces deux dimensions. Sans performance économique, un entrepreneur ne peut pas se développer, ne peut pas innover, ne peut pas donner de l’envergure à son projet… et donc ne peut pas avoir d’impact significatif sur la planète.

De la même manière, être une entreprise « à impact » ne suffit pas pour aller chercher du financement et convaincre les investisseurs de vous suivre. Les investisseurs s’intéressent bien sûr à votre histoire, à votre projet, à son sens et à ses valeurs, mais ils analysent avant tout votre robustesse et votre performance économique.

Enfin, la dimension « impact » permet de renforcer notre performance économique en mobilisant toute la panoplie des dispositions réglementaires mise à disposition dans le cadre de la protection environnementale. Il y en a beaucoup, il faut les utiliser !

Est-ce qu’on est le même entrepreneur à 20 ans et à 40 ans ?

Je crois que ce n’est pas une question d’âge, mais de personnalité. Chacun a une appétence au risque différente, des attentes différentes. Par exemple, avant de me lancer comme entrepreneur, j’avais besoin d’avoir réussi ma carrière, d’avoir les moyens financiers pour vivre confortablement. Une fois ces besoins assouvis, je savais que je pourrais entreprendre sereinement. J’aurais aimé le faire plus jeune, j’en avais déjà envie étudiant, mais je ne l’ai concrétisé que plus tard.

À 40 ans, on a plus de responsabilités, notamment familiales, mais aussi plus de moyens. À 20 ans, on est plus libre, plus insouciant, avec plus de temps pour rebondir en cas d’échec.

Dans mon cas, mon envie d’agir s’est doublée d’un sentiment de révolte, une forte préoccupation environnementale, qui m’ont poussé à entreprendre pour avoir un impact positif.

Quel conseil donneriez-vous aux étudiants ou futurs entrepreneurs ?

Mon meilleur conseil ? « Connais-toi toi-même », comme disait Socrate. Il faut trouver son socle de valeurs, écouter ses envies et découvrir les causes qui méritent qu’on se batte, faire la paix avec ses doutes.

Tout le monde n’est pas fait pour être entrepreneur aujourd’hui, mais pourquoi pas demain ? Si l’envie est là, il faut rester à l’affut, travailler à se donner cette chance et la saisir le moment voulu.

C’est exactement ce qui m’est arrivé : j’avais l’envie, et j’ai ensuite trouvé la bonne équipe et le projet qui me parlait. En France, nous avons de nombreux filets de sécurité qui permettent de limiter les risques. Il faut s’en servir. Le pire qu’il puisse nous arriver, ce n’est pas d’échouer. Le pire, c’est de vivre avec le regret de ne pas avoir osé.

Nous avons tous environ 30 000 jours à vivre. Autant les utiliser pour expérimenter, créer, écrire l’histoire d’une vie captivante. Et à l’IÉSEG, nous avons reçu une excellente préparation pour maximiser nos chances de succès !