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Identifier les créateurs de tendance sur les réseaux sociaux

Kristof CoussementD’après une interview de Kristof Coussement et son article « Identification of Market Mavens on Social Media », co-écrit avec Paul Harrigan, Tim Daly, Julie Lee et Geoff Soutar.

Les réseaux sociaux comme Twitter sont riches d’opportunités en matière de campagnes marketing… à condition de savoir identifier les consommateurs influents, dits « créateurs de tendance » ! Kristof Coussement, professeur d’analyses marketing à l’IÉSEG, s’est penché sur cette difficulté, l’une des plus importantes rencontrée par les marketeurs en ligne.

Biographie

Kristof Coussement a rejoint l’IÉSEG School of Management en tant que professeur d’analyses marketing en 2009. Il y dirige l’IÉSEG Excellence Center for Database Marketing et dirige le MSc. in Big Data Analytics for Business. Pour plus d’informations, visitez son site kristofcoussement.com.

Définition du créateur de tendance

« Les market mavens (littéralement les “gourous du marché”, soit les créateurs de tendance) sont des individus agissant comme des rassembleurs et des disséminateurs d’information sur les marchés. Leur crédibilité et leur expertise sont reconnues car ils sont très bien informés au sujet des produits et des stratégies marketing des entreprises. »

Méthodologie

Les chercheurs ont commencé par interroger 423 utilisateurs de Twitter en basant leurs questions sur l’original market maven scale, échelle développée en 1987 par Lawrence Feick et Linda Price, et en l’appliquant au contexte des réseaux sociaux. Ils ont ensuite analysé des données empiriques provenant du compte Twitter des participants, étudiant un total de 520 700 tweets. Les messages ont été examinés selon quatre critères : le réseau d’utilisateur, le comportement, la lisibilité et la structure des messages. Cette recherche a révélé l’existence de liens entre ces critères et la création de tendance, aidant ainsi à identifier les influenceurs.

Grâce à la prolifération des outils technologiques, les consommateurs sont passés de simples receveurs de messages à générateurs et propagateurs d’idées. Les plus influents d’entre eux nourrissent le bouche à oreille parmi les consommateurs et deviennent ainsi la cible privilégiée des responsables marketing. Mais comment les identifier ? Kristof Coussement et ses coauteurs ont développé un cadre de travail permettant d’identifier les « créateurs de tendance » (voir définition) sur Twitter en utilisant uniquement des mesures empiriques. « Jadis, ces experts influents ne pouvaient être identifiés que s’ils fournissaient eux-mêmes des informations, explique Kristof Coussement. Avec notre nouveau cadre d’aide à la décision, il n’est plus utile d’étudier les individus eux-mêmes. Il suffit d’employer des mesures empiriques sur l’environnement des médias sociaux pour les reconnaître automatiquement. »

Les entreprises et les marques mentionnées sur Twitter

Parmi tous les réseaux sociaux, les chercheurs ont préféré Twitter.

« Twitter constituait un défi pour nous, explique Kristof Coussement. Il est très difficile de gérer l’abondance des données sur les réseaux sociaux et Twitter est une des plates-formes qui en génère le plus. De grandes entreprises, comme Apple ou Coca-Cola, sont constamment citées dans les tweets. »

Environ 500 millions de tweets sont postés chaque jour et 20 % d’entre eux mentionnent des noms de marques. L’intérêt des chercheurs pour Twitter provenait donc du volume colossal de données qui est échangé (traitées en temps réel et à très grande vitesse), de son grand nombre d’utilisateurs et de l’utilisation du texte (plutôt que des images ou de la vidéo comme c’est le cas sur d’autres réseaux). Des caractéristiques qui rendent ce réseau particulièrement stimulant pour les entreprises.

Les caractéristiques et les comportements des créateurs de tendance

Après avoir passé en revue la littérature sur ces experts influents, les chercheurs ont identifié les quatre caractéristiques clés des influenceurs (et les comportements liés). Pour chacun d’entre eux, ils ont développé des hypothèses spécifiques et des variables observables sur le réseau.

1. Le réseau d’utilisateur : Kristof Coussement et ses coauteurs ont supposé qu’en raison de leur réputation d’expert, les créateurs de tendance avaient plus de followers que la moyenne et étaient davantage référencés par leurs followers que les autres utilisateurs.

2. Le comportement : les chercheurs ont supposé que les créateurs de tendance étaient plus actifs que les autres utilisateurs ; qu’ils postaient plus de tweets et de retweets et qu’ils interagissaient d’avantage sur le réseau que les autres utilisateurs.

3. La lisibilité des messages : en utilisant l’Automated Readability Index (ARI), qui définit le niveau d’éducation américain moyen requis pour comprendre un tweet, Kristof Coussement et ses coauteurs ont fait l’hypothèse que les créateurs de tendance écrivaient significativement plus de tweets faciles à lire que les autres utilisateurs.

4. La structure des messages : les chercheurs ont supposé que les créateurs de tendance utilisaient d’avantage de majuscules par tweet (ce qui équivaut à crier ou attirer l’attention sur Twitter), écrivaient des tweets plus courts, utilisant un vocabulaire moins riche afin d’obtenir plus d’attention et utilisaient plus de hashtags par tweet que les autres utilisateurs afin d’augmenter la dissémination de leurs messages.

Les résultats confirment les hypothèses, mais avec quelques surprises

La plupart des résultats ont confirmé les hypothèses des chercheurs : les voix influentes ont tendance à avoir plus de followers, à poster plus de tweets, à s’engager davantage dans les interactions, à utiliser plus de majuscules et de hashtags, et à écrire des messages plus courts. Mais Kristof Coussement est ses coauteurs ont également fait trois découvertes surprenantes :

1. les créateurs de tendance ne sont pas plus référencés par les followers. Les chercheurs suggèrent que l’influence de ces experts souffre de l’encombrement massif du réseau ou que la nature générale de leur expertise ne se conforme pas aux minces catégories du référencement de Twitter ;

2. les créateurs de tendance ne retweetent pas plus que les autres utilisateurs. « Nous pensions qu’il existait une relation positive entre création de tendance et comportements de retweeting (qui constituent un partage d’information) mais ce n’est pas le cas. Nous supposons que ce résultat vient du fait que les créateurs de tendance sont davantage des créateurs de contenu que des relayeurs d’information sur les médias sociaux. »

3. Les créateurs de tendance n’écrivent pas plus de tweets faciles à lire que les autres utilisateurs. « Peut-être tentent-ils d’accroître leur crédibilité en communiquant leur expertise à travers un langage complexe », suggère Kristof Coussement.

Applications pratiques

Selon Kristof Coussement, les entreprises peuvent désormais utiliser les données publiques des médias sociaux afin d’identifier les créateurs de tendance, au lieu d’avoir à étudier une pléthore de consommateurs. « En utilisant un cadre de travail similaire à celui de cette recherche, les responsables marketing peuvent très rapidement identifier les individus influents sur le réseaux sociaux et agir pour les cibler dans leurs campagnes publicitaires, déclare-t-il. Cela permet d’augmenter l’efficacité de leurs efforts marketing et le retour sur investissement. »

 

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