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[Histoire de Diplômée] Sophie RIGOLLE-DEVRED : en quête de sens, elle ouvre une maison d’hôtes : la Grange du Héron

Tout plaquer pour ouvrir son gîte ou sa maison d’hôtes ? Si l’idée traverse chaque année l’esprit de milliers de Français, peu d’entre eux sautent le pas. Sophie RIGOLLE-DEVRED (diplômée du Programme Grande École en 1995) et son mari Édouard sont allés au bout de leur rêve : en juillet 2020, entre deux confinements, ils redonnaient vie à la Grange du Héron, un village de 11 gîtes dans la vallée du Lot et du Célé. Un lieu paisible et nature qui invite les familles et les groupes (professionnels ou non) à la déconnexion, au slow tourisme et au partage. Trois ans après son ouverture, le couple d’hôtes livre un témoignage sans langue de bois, à mille lieues des reportages télévisés, et idéalisés, sur la reconversion.

Après 25 ans en tant que salariés, vous avez changé de vie et de région. Quel a été l’élément déclencheur ?
Plusieurs facteurs sont entrés en compte : le sentiment d’avoir fait le tour de nos métiers respectifs, un manque d’alignement entre nos valeurs et le sens de notre travail, les temps de trajet quotidien (deux heures dans les bouchons par jour !) et l’approche de la cinquantaine. Nous ressentions ce besoin profond de ne travailler que pour nous pour la dernière partie de notre vie professionnelle. Enfin, le fait d’avoir séjourné pendant plus de dix ans en famille dans des villages de gîtes a également contribué à ce nouveau départ.

Comment êtes-vous passés de l’idée à l’ouverture de la Grange du Héron ?
Nous avions déjà une bonne connaissance de l’activité en tant que clients et avions établi une liste de cinq critères pour trouver le site idéal. Tout s’est passé rapidement puisque nous avons mis un an, contre trois en moyenne pour un projet de reprise. Nous avons d’ailleurs failli faire de mauvais choix en voulant aller trop vite ! Nous avons visité le domaine en octobre 2019, sous une pluie battante. Le site était à l’abandon, mais nous sommes parvenus à nous projeter et à saisir son potentiel. Le principal obstacle a ensuite été de convaincre une banque, malgré un apport personnel conséquent. Certaines ne se sont même pas données la peine de nous recevoir. À force de persévérance, l’une d’entre elles nous a pris au sérieux et nul doute que ma formation IÉSEG et nos 25 ans de vie professionnelle ont pesé dans la balance : établir un budget, savoir lire un bilan, un compte de résultat ou bâtir un business-plan ne posent aucun problème.

Vous avez décidé de travailler en couple dans une activité nouvelle. Qu’avez-vous mis en place pour que la collaboration se déroule au mieux ?
Les tâches se sont naturellement réparties en fonctions de nos domaines de compétences. Édouard gère notamment les travaux, la communication et le suivi des projets. Je m’occupe de l’entretien, de la comptabilité, de l’administratif, de l’organisation des séminaires ou de l’accueil des groupes. Nous avons en commun l’accueil des résidents, l’animation et les décisions stratégiques. Le principal risque est de ne plus parler que de ça, du matin au soir. Nous avions conscience que les trois premières années nécessiteraient quelques sacrifices, nous devons désormais apprendre à déconnecter. Nous nous impliquons de plus en plus dans des associations de notre village pour prendre l’air !

Vous souvenez-vous du premier client que vous avez reçu et de votre ressenti ?
Bien entendu ! La première réservation en ligne reçue a été un grand moment d’émotion ! Pour notre première semaine d’ouverture en juillet 2020, nous avons reçu deux familles, de quoi démarrer en douceur, prendre nos marques et régler au plus vite tous les imprévus : pannes, fuites, filtration de la piscine. Dans ce genre d’activité, il ne faut pas avoir peur de mettre les mains dans le cambouis. La semaine suivante, le domaine était plein et nous nous sentions alors à la tête d’une belle aventure humaine.

Au-delà de la beauté du cadre et de la qualité des infrastructures, comment vous distinguez-vous des autres villages de gîtes ?
Nous nous inscrivons dans une démarche d’éco-tourisme avec notamment la mise en place d’un composteur, une borne de recharge pour les voitures électriques, les boissons en verre consigné, la vente de nos propres produits locaux (huiles, confitures, etc.) ou encore un projet de panneaux photovoltaïques. L’ADEME nous a également aidés pour l’achat d’une bâche solaire pour la piscine, d’équipements électroménagers moins énergivores ou encore de poubelles de tri. Nous sommes persuadés que ces actions sèment ensuite des graines dans l’esprit de nos vacanciers. Ces derniers sont convaincus de notre approche du « slow tourisme » pour découvrir des lieux hors des sentiers battus, rencontrer des producteurs locaux ou tout simplement ralentir le rythme souvent trépidant de leur quotidien.

Quel bilan tirez-vous de vos trois premières années d’activité ?
Nous sommes fiers d’être parvenus à relancer une activité qui était quasiment à l’abandon lorsque nous l’avons reprise, de nous être intégrés au village, de recevoir d’excellents retours sur les sites d’avis et d’avoir atteint nos objectifs de chiffre d’affaires ! Revoir des familles pour la 4e fois cette année et les entendre dire qu’il s’agit de leur lieu de vacances préféré est la plus belle des récompenses. Cela nous fait oublier les sacrifices et les moments parfois plus compliqués. Il faut en effet avoir conscience que c’est beaucoup de travail et d’investissement pour une rémunération très basse. Je suis passée d’un métier très spécifique, avec une responsabilité limitée, à une activité multi-tâche type couteau-suisse dans une toute petite structure. Nous devons être disponibles 7 jours sur 7, à raison de 8 mois par an et de 15 heures par jour. Malgré ce rythme intense, nous nous sentons libres de notre emploi du temps et surtout maîtres de notre destin !

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent suivre vos pas ? Quels sont les pièges à éviter ?
Avant toute chose, il est important de se poser les bonnes questions et d’être sincère avec soi-même : êtes-vous prêt à changer votre train de vie et votre façon de consommer ? À dégrader votre confort personnel pour un meilleur épanouissement professionnel ? À quitter vos amis et votre famille ? Avez-vous les compétences nécessaires ? Une fois que la décision est prise, attention aux charges financières, souvent sous-estimées lorsque l’on reprend une activité à dynamiser. Pensez à vous entourer d’un bon cabinet comptable et juridique, à échanger avec des groupements ou des personnes du métier. Enfin, ne pensez pas que vous serez automatiquement remplis en ouvrant : il faut savoir communiquer, se remettre en question régulièrement et s’adapter aussi bien à la conjoncture qu’aux souhaits des clients. Enfin, acceptez de ne pas tout maîtriser et n’attendez pas que toutes les planètes soient alignées pour vous lancer. J’aime citer Mike Horn pour illustrer ce propos : « pour se mettre en marche, il suffit d’avoir 5% des réponses à ses questions. Les 95% viennent le long du chemin. Ceux qui veulent 100% avant de partir restent sur place ».

Parcours

Diplômée en 1995 en pleine crise économique, Sophie rejoint l’entreprise Decathlon pour un CDD de trois mois. Elle y restera 25 ans ! D’abord côté production, puis en distribution sur des sujets aussi variés que le contrôle de gestion, l’approvisionnement ou la prévision de ventes.
En 2018, à l’approche de son 50e anniversaire, elle décide de donner un second souffle à sa vie professionnelle et part avec son mari à la recherche d’un village de gîtes à reprendre. En juillet 2020, elle ouvre la Grange du Héron, dans l’Aveyron.

Cet article a été rédigé par Luna Créations pour le magazine IÉS #17, le magazine de IÉSEG Network, l’association des diplômés de l’École.

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